Par Paul Parant
En incarnant Nellie Oleson, elle était la petite fille que tout le monde adorait détester dans «La Petite maison dans la prairie». Aujourd'hui, militante entre autres pour la lutte contre le sida, l'actrice arpente les villages français dans un one-woman show drôle et nostalgique. TÊTU l'a rencontrée.
Malicieuse ou inquiétante? Alison Arngrim s'est prise elle-même en photo pour les lecteurs de TÊTU…
Elle est comment en vrai, Nellie Oleson? Avouez que tous ceux qui ont allumé la télé entre les années 80 et aujourd'hui pourraient se poser la question. Eh bien, TÊTU l'a rencontrée pour vous, et peut l'affirmer: l'actrice Alison Algrim est une femme formidable, n'était son air inquiétant quand elle s'amuse à reprendre les poses de son personnage de méchante dans La Petite maison dans la prairie, le rôle qui l'a rendue célèbre… et qu'elle assume dans un grand éclat de rire. Aujourd'hui, hormis quelques films dont la comédie homo Make the Yuletide gay (vidéo) elle fait surtout des spectacles comiques live… et depuis quelques années, elle vient régulièrement en France où elle fait une tournée réservée aux petites villes, voire aux villages, pour retrouver l'ambiance de la série. Rencontre avec une comédienne attachante et sans complexes.
Votre livre vient de sortir aux Etats-Unis et là-bas, il est très bien accueilli par la communauté gay... Nellie Oleson était-elle une icône gay?
Oui, et je m'en suis rendu compte très vite. Nellie avait ce côté impérial de beaucoup d'icônes gays dans les films: Bette David, Judy Garland… Et puis, alors que tout le monde autour d'elle portait des vêtements frustes, elle avait toujours des robes qui venaient de Paris, une coiffure incroyable... C'est donc une diva, mais une diva complexe, qui a beaucoup de rage en elle-même. Elle n'a pas peur de l'exprimer et c'est parfois assez satisfaisant à regarder! Enfin, si tout le monde aime La Petite maison dans la prairie, beaucoup de gays m'ont dits qu'ils rêvaient d'avoir des parents comme Charles et Caroline Ingalls, qui représentaient les parents idéaux et la famille aimante qu'ils n'avaient pas forcément connue au moment de faire leur coming out. Quant à Nellie, ce n'était pas seulement une garce, c'était quelqu'un qui se considérait comme supérieure à tout le monde. C'est en cela aussi, je pense, qu'elle peut être considéré comme une icône. Et il faut croire que c'est le cas: récemment, lors d'un gala, Melissa Gilbert (qui incarnait Laura Ingalls dans la série, NDLR), avec qui je suis toujours copine, m'a appelée en disant «Viens ici, l'icône gay!»
Il n'y a jamais eu de personnage gay dans la série, si?
Non, c'était le 19e siècle. Il y avait des gays à l'époque, mais on ne les appelait pas ainsi!
«Melissa Gilbert, qui incarnait Laura Ingalls, m'appelle l'icône gay!»
Comment Nellie aurait réagi si elle en avait vu?
Oh, souvenez-vous quand le petit Albert travaillait pour un juif (avant qu'elle n'en épouse un!). Pour elle, s'il portait un chapeau, c'est parce qu'il cachait des cornes en-dessous. C'est une petite fille pleine de préjugés. Elle se serait moquée, elle l'aurait dit à tout le monde, ç'aurait été terrible… S'il y avait eu une épidémie de sida à Walnut Grove, le docteur Baker aurait cherché un traitement, Mademoiselle Beadle donnerait des cours de prévention à la population, le couple Ingalls, et son grand coeur, ouvrirait un hospice… Tandis que la mère de Nellie, derrière un masque, exigerait qu'on nettoie toutes les poignées des portes et que Nellie tenterait de faire du chantage aux malades... Horrible! (rires)
Pour être aussi méchante avec elle, est-ce que Nellie n'était pas un peu amoureuse de Laura Ingalls?
Ah ça, je n'y ai jamais pensé! Pour moi, elle était surtout jalouse de Laura, en particulier parce qu'elle avait des parents formidables alors que sa propre mère était très méchante. Mais c'était une idée intéressante. En fait, dans la comédie musicale de Little House in the Prairie, dont la tournée vient de s'achever aux Etats-Unis, une scène ressemble à cela: un soir, alors que Laura a quitté le village, le personnage de Nellie chante «Please come back to me, my beloved enemy» («Reviens-moi, ma tendre ennemie»)… Elle ne pouvait pas se passer d'elle!
Ce n'était pas dur d'incarner le personnage que tout le monde aime détester?
Je savais à quoi m'attendre, j'adorais les personnages de méchants dans les films, j'avais vu The Bad Seed, j'adorais Vincent Price… Ça m'amusait beaucoup. Un jour, j'ai participé à une parade de rue avec d'autres personnages de la série, que tout le monde acclamait. Quand, moi, je passais, les gens se mettaient à me huer, à m'insulter... J'étais adolescente mais je trouvais ça infiniment drôle. Jusqu'à ce que reçoive un soda sur la tête... Mais après tout, si on déteste autant me voir, cela veut dire que j'ai bien fait mon travail, non?
Depuis la fin de la série, vous vous êtes engagée pour la lutte contre le sida. D'où vient votre engagement?
J'ai vu la souffrance de Steve Tracy, le comédien qui incarnait mon mari dans les dernières saisons de la série. Il était gay, mais peu de gens à part moi le savaient dans l'équipe. Il a dit publiquement qu'il était «bisexuel», c'était encore très rare dans les années 70. Il a appris qu'il était contaminé au début des années 80, alors qu'on savait encore peu de choses sur la maladie. Il a été extrêmement courageux. Il était d'accord pour tester de nouveaux médicaments, en disant que même si ça ne marchait pas sur lui, cela serait utile pour d'autres. Auprès de lui, j'ai vu à quel point l'ignorance pouvait blesser, j'ai vu ses souffrances. Après sa mort, j'ai tenté à mon niveau d'être active et d'attirer l'attention de l'opinion sur cette situation. Je suis aussi engagée contre la maltraitance infantile, parce que j'en ai moi-même été victime.
Et vous revenez régulièrement en France avec un one-woman-show, pour lequel vous vous produisez uniquement dans des villages. C'est surprenant de la part d'une américaine...
C'est pour retrouver l'ambiance de la Petite maison dans la prairie. On m'a souvent proposé de faire des grandes salles dans les villes de France, mais je préfère les salles des fêtes de 400 places! C'est un spectacle comique mais très intime, et intéractif. Je raconte mon expérience dans la série, de ma découverte de la France au fil de ces tournées… Je suis tombée amoureuse de la France et quand Patrick Loubatière, mon complice, qui m'accompagne lors de ces spectacles, m'a proposé d'adapter mon spectacle pour un public français, j'ai voulu tenter l'expérience. Les gens sont ravis, et moi aussi de les rencontrer. Je pense que les Français sont parmi les plus grands fans au monde de cette série, c'est un plaisir d'échanger nos expériences. Et de goûter la cuisine française au fil de la tournée!
Pour retrouver les futures dates d'Alison Arngrim, consultez son site officiel en Français.
Dans la saison 6, Nellie tombait amoureuse de Percival (Steve Tracy), regardez:
Laura se venge de Nellie dans cet épisode de la saison 2 (en anglais):
Enfin, un extrait du passage d'Alison Arngrim chez Morandini sur Direct8: